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4ème colloque Lasalé
Thématique 1 : Renforcer l’accrochage scolaire / Lutter contre le décrochage
En matière de décrochage scolaire, l’objectif européen à atteindre à l’horizon 2020 est de moins 10% (Fazekas, 2011, p. 2). En Belgique, le taux d’abandon scolaire précoce en 2015 est encore de 10,1% (Eurostat, 2016). Il est toutefois de 15% en Wallonie et de 16,9% à Bruxelles (SPF Economie, 2015). Le taux de sorties prématurées de l’enseignement secondaire ordinaire de plein exercice est lui de 5,4% en 2012-2013 (parmi les élèves de 15 à 22 ans). Il est en diminution (7% en 2006), mais reste toujours plus élevé pour les élèves domiciliés en Région de Bruxelles-Capitale ainsi que pour les garçons (indicateurs de l’enseignement, 2015). Ces diminutions peuvent notamment s’expliquer par les mesures mises en place en Fédération Wallonie-Bruxelles visant à lutter contre le décrochage, comme la réforme du premier degré de l’enseignement secondaire, le décret qui organise l’encadrement différencié (faisant suite aux discriminations positives), le décret DASPA (Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants) (Eurydice, s.d). Les mineurs en décrochage scolaire peuvent être accueillis temporairement par des Services d’Accrochage Scolaire (SAS) et les jeunes qui ont quitté l’école ont la possibilité de suivre une formation qualifiante.
A l’instar de Bautier (2003), il s’agit surtout ici de comprendre comment se construit le processus de décrochage scolaire depuis l’élève lui-même, son rapport au savoir et aux apprentissages, ses interactions avec ses pairs/ses enseignants, jusqu’aux situations de classes à travers les formes scolaires, les contenus et les types d’évaluation. Cette question porte plus précisément sur ce qui se passe au sein de l’école et de la classe. En effet, même si on ne peut nier l’influence significative des facteurs d’ordre personnel, familial ou social, qui font que le décrochage scolaire est un phénomène multidéterminé, il apparaît que les facteurs scolaires constituent les prédicteurs les plus puissants du décrochage à l’école (Galand & Hospel, 2015 ; Janosz, 2000). Outre le focus qui peut être mis sur « les décrocheurs externes » et les raisons qui expliquent cette déscolarisation, il semble également utile de s’intéresser aux jeunes qui décrochent de l’intérieur. Appelés « décrocheurs discrets », il s’agit d’élèves qui, tout en continuant à fréquenter l’école, en sont éloignés et semblent peu engagés parce qu’ils ont des difficultés à s’adapter au système scolaire, à son mode de fonctionnement, à ses règles et à son langage.
La littérature scientifique pointe également une série de facteurs familiaux associés au risque de quitter précocement l’école : un niveau socioéconomique et culturel peu élevé, la qualité de l’engagement parental dans le cursus scolaire comme les valeurs et les attentes des parents en termes de réussite scolaire (Poncelet, 2003 ; Poncelet & Francis, 2010 ; Poncelet, Dierendonck, Kerger & Mancuso, 2015). A travers notamment l’engagement dans les aspects éducatifs, la famille joue un rôle important dans le succès scolaire et peut influencer, positivement ou négativement, les éléments qui conduisent le jeune à décrocher : ses performances scolaires, sa motivation et son implication dans les matières scolaires et les apprentissages, le bien-être à l’école ainsi que les comportements scolaires adoptés en classe ou à l’école représentent des facteurs fréquemment relevés par les auteurs (Gonzalez-DeHass, Willems & Holbein, 2005 ; Spera, 2005 ; Jeynes, 2003, 2005 ; Pattal, Cooper & Robinson, 2008 ; Hill & Tyson, 2009). Selon Duval, Dumoulin et Perron (2014), le fait d’établir des relations constructives et efficaces entre l'école et la famille pourrait constituer un moyen efficace pour éviter le décrochage scolaire. Les pratiques éducatives familiales ainsi que la coordination avec l'école sont en effet des variables qui ne sont pas immuables. Contrairement aux variables structurelles (milieu socioéconomique), il est possible d'induire des changements dans les comportements des parents qui peuvent avoir une influence positive sur l'élève, sa relation avec l'école et son apprentissage, mais également, au final, sur l'ensemble de sa réussite scolaire. Henderson et Mapp (2002) apportent en effet la preuve dans leur méta-analyse que la participation des parents à l'école est tout aussi importante que ce que les parents font et mettent en place à la maison pour aider leurs enfants dans leur scolarité et ce, quelle que soit l’origine économique, sociale et culturelle de ces familles.
Au-delà des relations école-famille, la question du décrochage scolaire et de l’exclusion sociale interroge les liens communautaires. Les ruptures d’inclusion sociale ne sont pas uniquement le fait d’institutions ciblées (telles que l’école ou la famille), elles interpellent l’ensemble des institutions d’une communauté (de Gaulejac & Hanique, 2015). Comme le soulignent Blaya, Gilles, Plunus et Tièche Christinat (2011), c’est depuis les années 80 qu’est apparue la nécessité de cette approche écosystémique du décrochage scolaire visant la prise en considération conjointe aussi bien du jeune en décrochage que de son environnement. A ce titre, les multiples institutions qui croisent la trajectoire des jeunes sont amenées à faire converger leurs ressources afin de définir, avec l’ensemble des acteurs de l’éducation, les modalités de soutien ou de prise en charge qui favorisent l’épanouissement du jeune et de son environnement. Dans cette dynamique partenariale se croisent les missions de l’action éducative et de l’action sociale pour un développement éducatif durable.
Remarquons que le phénomène de marginalisation scolaire interpelle non seulement les politiques éducatives mais également les politiques sociales et économiques. Il est vrai que la qualité de la formation est en lien direct avec le taux d’employabilité de la population en âge actif (Van der Linden, 2015). Des politiques ont dès lors été définies tant au niveau de l’Union européenne que de ses Etats membres. Dans la perspective cyclique décrite par Braspenning-Balzacq, Baudewyns, Jamin, Legrand, Paye et Schiffino (2014) ou encore, Demeuse et Baye (2001), après l’émergence d’une problématique et sa mise à l’agenda politique s’ensuivent la sélection et la mise en œuvre d’actions publiques, puis une phase d’évaluation, précédant une nouvelle sélection d’actions à mener. L’évaluation des politiques publiques peut être menée à toutes les étapes du processus car elle peut servir à l’analyse de la situation initiale et à la définition même de la politique. Elle peut aussi intervenir parallèlement à la mise en œuvre du processus, tout comme elle peut être convoquée pour prendre la mesure de résultats de l’action publique, en termes d’efficacité ou d’efficience.
Bernard et Michaud (2012) pointent l’importance d’ancrer les politiques éducatives dans l’expérimentation afin de « tester des solutions jusque-là laissées de côté, de donner de la flexibilité au système et de réguler l’action au plus près des réalités de terrain » (p. 5). A l’instar d’autres secteurs, comme celui de la santé, aguerris à cette façon d’agir, l’éducation aurait tout à gagner à fonder ses décisions sur la base d’actions déjà éprouvées et qui ont montré leur efficacité : on parlerait alors d’evidence-based policy dans le but de rendre légitime l’implémentation d’actions concrètes envers les acteurs concernés. C’est ainsi que des auteurs comme Doray, Prévost, Delavictoire, Moulin et Beaud (2011) ont montré l’intérêt de tenir compte de l’usage des statistiques dans l’action publique de lutte contre le décrochage scolaire au Québec. Lavrijsen et Nicaise (2015) pointent quant à eux l’importance de prendre en considération une perspective plus systémique pour encore améliorer la compréhension du décrochage scolaire. A ce titre, Robertson et Collerette (2005) mettent en évidence que les programmes mis à l’épreuve des faits et qui montrent un résultat significatif et positif sur la baisse du taux de décrochage, incluent à la fois un volet d’intervention sur l’environnement socioéducatif et un volet de soutien individuel pour les élèves les plus à risque. Les exemples qui précèdent sont loin d’être exhaustifs mais tendent à prouver l’importance croissante de mettre les actions à l’épreuve de l’expérimentation pour en tester l’efficacité.
Depuis 2002, la Commission européenne montre une volonté claire d’améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation des pays de l’Union européenne en vue de faire de l’Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » (Conseil européen de Lisbonne, 2000, § 5). Depuis cette date, des conclusions et de nouvelles perspectives sont établies annuellement par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE au regard des objectifs fixés pour l’horizon 2020. La lutte contre l’abandon scolaire précoce constitue une priorité pour l’UE depuis le sommet de Lisbonne (Condat & Plumelle, 2003) car il s’agit d’un enjeu majeur pour la cohésion sociale et l’équité du système éducatif, l’abandon scolaire représentant en effet un obstacle important à la réalisation de la stratégie Europe 2020. La réduction du décrochage scolaire constitue par conséquent un enjeu essentiel pour notre société aux niveaux humain, social et économique.
Le présent colloque sera l’occasion de donner une visibilité à l’ensemble des questions, initiatives et innovations à propos de la problématique du décrochage scolaire.
Les axes de réflexion visés par cette thématique sont les suivants :
Dans les secteurs de l’école, des alliances éducatives (école-famille-communauté) et de la politique :
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Mots-clés : Accrochage scolaire -École-Famille-Acteurs de terrain – Evaluation des actions et des processus- Politiques éducatives- Cohésion sociale.
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Bibliographie :
Bautier, E. (2003). Décrochage scolaire : genèse et logique des parcours. Ville-Ecole-Intégration Enjeux, 132, 30-45.
Bernard, P-Y & Michaut, C. (2012). Pourquoi expérimenter une politique éducative ? Le repérage des jeunes en décrochage scolaire. Revue française de pédagogie, 181, 5-14.
Blaya, C., Gilles, J-L, Plunus, G. & Tièche Christinat, C. (2011). Accrochage scolaire et alliances éducatives : vers une intégration des approches scolaires et communautaires. Education et francophonie, 39(2), 227-249.
Braspenning-Balzacq T., Baudewyns P., Jamin J., Legrand V., Paye O. & Schiffino, N. (2014). Fondements de science politique. Bruxelles : De Boeck.
Condat, S. & Plumelle, B. (2003). Europe : la lutte contre l’abandon scolaire, une priorité de la Commission européenne. Revue internationale d’éducation de Sèvres, 32, 12-14.
Conseil européen de Lisbonne (2000). Stratégie de Lisbonne - Conclusions de la Présidence. Disponible en ligne : http://www.consilium.europa.eu/fr/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/00100-r1.f0.htm (consulté en janvier 2017).
De Gaujelac, V. & Hannique, F. (2015). Le capitalisme paradoxant. Un système qui rend fou. Economie Humaine. Paris : Seuil.
Décret du 21-11-2013 organisant des politiques conjointes de l'enseignement obligatoire et de l'Aide à la jeunesse en faveur du bien-être des jeunes à l'école, de l'accrochage scolaire, de la prévention de la violence et de l'accompagnement des démarches d'orientation (2014). Moniteur belge, 3 avril, p. 39910.
Demeuse, M., & Baye A. (2001). Une action intégrée en vue d’améliorer l’efficacité des systèmes d’enseignement : le pilotage des systèmes d’enseignement. Cahiers du service de pédagogie expérimentale, 5-6, 23-50.
Doray, P., Prévost, J-G, Delavictoire, Q., Moulin, S. & Beaud, J-P (2015). Usages des statistiques et actions publiques : les politiques de lutte contre le décrochage scolaire au Québec. Sociologie et sociétés, 43(2), 201-221.
Duval, J., Dumoulin, C. & Perron, M. (2014). Collaboration école-famille et prévention du décrochage scolaire: des pistes d'action pour les enseignants du primaire. In: Revue canadienne de l’éducation 37:3.
En ligne http://ec.europa.eu/eurostat/data/database
Eurostat (2016). Base de données, éducation : jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation.
Eurydice (s.d). Education in the Europe 2020. En ligne: https://webgate.ec.europa.eu/fpfis/mwikis/eurydice/index.php/Belgium-French-Community:Education_in_the_Europe_2020_Strategy
Fazekas, S. (2011). Council recommandation of 28 June 2011 on policies to reduce early school leaving. Official Journal of the European Union, 191, 7 pages.
Galand, B. & Hospel, V. (2015). Facteurs associés au risque de décrochage scolaire : Vers une approche intégrative. OSP : l'orientation scolaire et professionnelle, 44(3), 339-369.
Gonzalez-DeHass; A. R., Willems, P. P. & Holbein, M. F. D. (2005). Examining the Relationship Between Parental Involvement and Student Motivation, Educational Psychology Review, 17(2), 99-123.
Henderson, A. T. & Mapp, K. L. (2002). A new wave of evidence: The impact of school, family, and community connections on student achievement. Austin, TX: Southwest Educational Development Laboratory.
Hill, N. E. & Tyson, D.F. (2009). Parental involvement in middle school: a meta-analytic assessment of the strategies that promote achievement. Developmental Psychology, 45(3), 740-763.
Janosz, M. (2000). L’abandon scolaire chez les adolescents : perspective nord-américaine. Enjeux, 122, 105-127.
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Jeynes, W.H. (2005). A meta-analysis of the relation of parental involvement to urban elementary school student academic achievement. Urban education, 40(3), 237-269.
Lavrijsen, J. & Nicaise, I. (2015). Social inequalities in early school leaving: the role of educational institutions and the socioeconomic context. European Education, 47, 295-310.
Pattal, E.A., Cooper, H. & Robinson, J.C. (2008). Parent Involvement in Homework: A research synthesis. Review of educational research, 78(4), 1039-1101.
Poncelet, D. (2003). Comprendre la trajectoire scolaire : l’influence des processus intra-familiaux et de l’engagement parental. Une approche transversale et longitudinale. Liège : Université de Liège, Thèse de doctorat, non publié.
Poncelet, D. et Francis, V. (2010). L’engagement parental dans la scolarité des enfants. Questions et enjeux, Revue internationale de l’éducation familiale, 28, 9-20.
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Robertson, A. & Collerette, P. (2005). L’abandon scolaire au secondaire : prevention et interventions. Revue des sciences de l’éducation, 31(3), 687-705.
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SPF (2015). Formation et enseignement. En ligne http://economie.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/travailvie/formation/
Van der Linden, B. (2015). Pauvreté et évolution du marché du travail en Belgique. In : W. Lahaye, I. Pannecoucke, J. Vranken & R. Van Rossem (eds.), Pauvreté en Belgique. Annuaire fédéral 2015 (pp. 299- 318). Gent : Academia Press.
W. Lahaye, I. Pannecoucke, J. Vranken & R. Van Rossem (eds.), Pauvreté en Belgique. Annuaire fédéral 2015 (pp. 299- 318). Gent : Academia Press.
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